Miss TIc ou le lyrisme urbain


Vingt ans que vous taguez les murs de Paris et vous restez toujours aussi tendance auprès des jeunes et des moins jeunes. Quelle est votre recette ?
Mon art est intemporel. Ce n’est pas un effet de mode. Mon travail est comme moi, il ne vieillit pas. Le monde ne va pas mieux que je sache et les messages que je passe sont toujours valables. Les années ont beau passer, je ne me calme pas.
En dessinant et en écrivant sur les murs, vous tentez de vous approprier la ville ou votre histoire ?
J’essaie de rentrer dans les mémoires. Il s’agit pour moi non pas de donner mais de rendre en communiquant aux autres du beau et du sensible.
Vous avez un rapport très affectif à la langue. Vous auriez aimé être romancière ?
Je ne crois pas… de toute façon, je n’en ai pas le talent. Je me vois plus poète que romancière. Je suis une femme d’esprit, pas une intellectuelle. Je suis plus réceptive à Bobby Lapointe qu’aux pointures de la Littérature.
Vos messages mettent en avant la féminité. Est-ce pour vous opposer à la femme-objet?
Il s’agit pour moi non d’opposer mais d’élargir. En rendant hommage à la féminité, j’exprime l’idée qu’on peut être féminine et capable de réflexion. Les féministes ont certes beaucoup apporté à la cause... mais certaines ( je pense aux Chiennes de Garde) véhiculent une niaiserie qui m’exaspère. Elles me font honte ! Avec leur discours ras- les- pâquerettes, elles n’inventent rien ! La féminité, il faut non seulement se l’approprier mais également la creuser et constamment la réinventer !
Et «Ni Putes, Ni Soumises», elles trouvent grâce à vos yeux ?
Pas depuis qu’elles ont été récupérées par le PS. D’autant plus que pour moi, le message doit être positif : il faut assumer au lieu de se justifier. Je proposerais plutôt Putes et Insoumises. Car que signifie ce slogan ? Que les putes ne seraient pas des femmes ? Je ne suis pas d’accord !
Pourtant quand vous écrivez « ni fées ni affaires » vous êtes dans la même idée ?
Pas vraiment. Car « ni fées » signifie qu’on est pas des Barbie, ni des magiciennes. Voyez, moi, je me sens plutôt sorcière ! Et quand je dis ni « affaires » , c’est de l’humour, je parle de moi, je ne suis pas une affaire !

Je vais mener une enquête auprès de vos ex pour vérifier ça. Je peux avoir leurs 2300 noms ?
- (Rires)
Avez-vous l’impression de vivre et de travailler dans le mauvais pays ?
Pas du tout. Je ne me sens pas artiste maudite mais plutôt une maudite artiste. C’est un privilège de vivre en Europe… surtout par les temps qui courent ! En plus, j’ai la chance d’avoir un public sensible qui me comprend et me suit. Je suis une artiste comblée.
Vous ne pensez pas que vous auriez eu une plus grande et plus rapide reconnaissance ailleurs ?
Sans doute. C’est vrai que les Etats-Unis, dans ce domaine, offrent plus de perspectives. Les arts plastiques restent un bastion où les femmes peinent à être reconnues. A la fin du 19ème siècle, les femmes ont affirmé leur statut en littérature, le 20ème siècle a consacré les femmes dans la musique mais exister dans les arts plastiques reste un défi…Y a encore du boulot !
Vous restez très parisienne comme artiste. Vous avez des projets ?
Pour moi, il est temps d’aller voir ailleurs. Je rêve de travailler dans d’autres pays comme l’Espagne ou le Maroc : j’adorerais m’éclater dans un souk marocain. J’ai déjà travaillé en Norvège; c’était intéressant mais je suis une fille du soleil et c’est là que je veux travailler.
Vous faites souvent allusion à la psychanalyse dans vos œuvres. Vous êtes fâchée avec les psys ?
Absolument pas! Freud et Lacan étaient pour moi des purs génies, des artistes à part entière. Je suis plutôt fâchée avec ce qu’on en fait, je veux parler de l’exercice illégal de la psychanalyse.
Pourtant quand vous écrivez « A Lacan ses lacunes », vous évoquez un peu les limites de cette science
Je suis contre la médecine du nombril. Aujourd’hui, on court voir un psy pour le moindre chagrin d’amour et la moindre difficulté. La psychanalyse est en passe de devenir un dogme qui vient s’ajouter au poids déjà écrasant des religions. Comment peut-on vouloir être heureux dans un monde malheureux ?
Ne pensez-vous pas qu’un individu heureux pourrait être le début d’une société heureuse ?
Je ne crois pas au bonheur tel qu‘il nous est présenté. Pour moi, plutôt que de chercher à être heureux, il faut commencer par essayer d’être vivant ! L’autre jour, un journaliste radio m’affirmait que je m’interdisais la maternité. Il était incapable de concevoir que je puisse simplement ne pas avoir de désir de maternité. Voyez, il y a encore du chemin...
V.J Pirate

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