Panorama de la littérature érotique lesbienne


Chaude comme une baraque à frites sur la route des vacances.

La saison chaude est revenue ! On a sorti les meubles de jardin ou réservé sa place à la semaine à la terrasse du coin, le rosé et la bière ont envahi le frigo, on se la rejoue fine et légère avec salades et fruits à foison, on contemple les filles, jambes et décolletés offerts à la brise du soir… On se sent toute chose. C’est comme une piqûre de rappel hormonal à nos sens engourdis. Là, toute détendue, presqu’ alanguie, c’est un film interdit aux mineures qu’on se passe en douce sous les paupières mi-closes. D’ailleurs, on se lirait bien un peu de littérature coquine, histoire de diversifier les scénarios…
J’ai constitué pour vous une petite bibliothèque de l’érotisme lesbien, au risque et péril de ma vertu déjà pas mal éprouvée. Mauvaise nouvelle : comme d’hab’, 90% des bouquins érotiques estampillés « lesbiens » sont écrits par des mecs en pleins fantasmes voyeuristes inassouvis (comme dans cette armada de films X hétéros, où la nana pousse des petits cris ridicules quand sa collègue lui prend le poignet et que les deux se lèchent à trois centimètres du bord en haletant). Bonne nouvelle : bon, ben il reste 10% de livres vraiment lesbiens dont 2% d’histoires pas SM (hétéros ou homos, c’est le genre majeur du bouquin de cul, un lien avec notre époque de durcissement des rapports sociaux ?). Alors, pour donner un peu de piment à vos lectures sur la plage (veinarde) ou dans le métro (faut bien), voici ma sélection comme sur un plateau.

Le plus intello : Poupées et Déesses.
Aurore Dorval, Editions gaies et lesbiennes, 2005

Quatre ans après « Sexe Attitude », Aurore Dorval sort un nouveau recueil de nouvelles érotiques. Cette fois encore, l’auteure s’amuse à multiplier les formes et les références littéraires (de Georges Sand à Cendrillon) allant du suspens au fantastique dans une écriture fluide et assez impersonnelle, ajustée aux personnages et à l’action.
A première vue, ce sont des petites nouvelles très disparates et à l’érotisme plus ou moins explicite, parfois très directement sexuel, parfois évanescent comme un effleurement. Au fil de la lecture, c’est un univers très personnel aux références esthétiques marquées (il y est beaucoup de question d’Art et de représentation) qui se dévoile. Un univers fragile et inquiétant où plus le sexe se vit sans amour, plus il verse dans la violence et la dépravation, jusqu’au morbide, et où les Poupées sont souvent vénales et les Déesses bien cruelles. Au final, ce recueil se lit d’une traite comme un roman au suspens accrocheur, et dont le sens se décante lentement, une fois la dernière page tournée. Pour toutes celles qui aiment maintenir l’équilibre entre érotisme et fiction.
Le plus sensuel : Histoires qui fondent sous la langue.
Collectif d’auteures*, Editions de La Cerisaie, 2002.
Encore un recueil de nouvelles, mais cette fois écrit à seize mains (ça démarre très très chaud). Huit auteures se sont prêtées au jeu, soit autant de styles, d’expressions érotiques et de tons différents. Il y a la pudique qui butine sans se poser vraiment, la chasseuse et son regard de lynx, la hussarde qui n’en fait qu’à son envie, la nostalgique aux souvenirs bien précis, la passionnée qui se donne à cœur et à corps, la complexée totalement libérée pour une nuit, la gourmande qui consomme en connaisseuse et enfin la sensible qui s’égare entre deux eaux mouvantes. Seul point commun à toutes ces histoires : ce sont bien ici des « femmes qui aiment les femmes », et dont le désir se joue staccato, pianissimo ou allegro sur une gamme d’émotions, de plaisirs et de sensualité, avec l’Amour en accompagnement, sans pour autant verser dans la variété sirupeuse.
Bref, un recueil à savourer au gré de ses humeurs, tel un panier de fruits estivaux dont chacun laisse en bouche une saveur différente, amère ou sucrée, fraîche ou fondante…
(*)Anne Auboneuil, Léa Duffy, Nathalie Epron, Céline Germann, Geneviève Martorella, Hélène de Monferrand, Brigitte Ourlin et Elula Perrin.
Le plus hot : Mathilde, je l’ai rencontré dans un train.
Cy Jung, Editions gaies et lesbiennes, 2005.
On vous en a déjà parlé dans le n°11, alors pour celles qui auraient deux Oxydo de retard, rappelons que c’est un roman érotico-porno où l’auteure décline une riche palette de fantasmes sur la personne chaque fois réinventée de Mathilde, dans un style très « brut de sensations » qui accentue le réalisme des scènes. Une écriture dépouillée, un ton décomplexé et une vraie richesse des mises en situation font de Mathilde… le livre le plus hot de cette sélection. A déconseiller à celles qui « font l’amour » dans la tendresse et les pétales de rose, et à recommander aux autres !
Rappelons au passage que Cy Jung avait déjà sévi avec Cul nul, un recueil de « courts érotiques lesbiens », véritable exercice de style en forme de Q sur une variation, presqu’un catalogue, des pratiques sexuelles goudous.
Le plus pervers : Mionne ou la dixième muse.
Elizabeth Herrgott, Editions Mille et Une Nuits, 2002.
Elizabeth Herrgott avait fait scandale avec la parution de Mes hiérodules (esclaves grecs attachés à un temple) en 2000, car la reconnaissance trop aisée d’une des deux esclaves, une pédiatre, avait fait condamner cette dernière à trois mois de suspension par l’Ordre des Médecins. L’auteure, psychanalyste, récidive dans l’auto-fiction érotique SM avec Mionne, une jeune femme amoureuse qu’elle va initier à la servitude sexuelle la plus exigeante, pour son unique satisfaction. L’écriture est à la fois raffinée et scabreuse, gourmande et vulgaire, traversée de courtes phrases isolées comme de brûlantes ou douloureuses pulsions. J’ai personnellement détesté la narratrice, incroyablement égocentrique, capricieuse voire odieuse, agressive, manipulatrice et possessive, dont le récit s’achève dans une apothéose érotomane. Mais ce n’est vraiment pas mon registre. Je laisse donc aux adeptes de SM le soin de juger. Pour toutes celles que le rapport de force excite à s’en mortifier les sens.
Bonne lecture à toutes ! Orely
PS : et pour toutes celles que la littérature hétéro-érotique de qualité ne laisse pas de marbre, considérant que tout est dans le style et la richesse de l’imaginaire plus que dans le simple procédé d’identification, je conseille le catalogue des Editions de La Musardine, dont les romans se distinguent par leur qualité littéraire.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Merci beaucoup pour ces suggestions.. Grande lectrice et adepte des librairies en tout genre, j'ai vraiment l'impression d'errer au milieu du désert quand me prend l'envie de délirer un peu et de renouveler mon stock d'images. Les libraires que je croise me snobent dès que je prononce le mot "érotique" et si j'y ajoute le mot "lesbienne", ils me regardent comme venue d'une autre planète..trop coincés? pas suffisamment Littéraire pour eux? Peu importe. Mais donc encore un grand merci.. En espérant que les conseils seront bons. Ils ont déjà le mérite d'exister.. A bientot

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