Agnès Giard : le sexe bizarre

Vous avez consacré un ouvrage aux sexualités «atypiques». Existe-t-il un profil ou un point commun entre les personnes qui s’éloignent du modèle dominant ?
Non. Dans le sexe bizarre, on trouve une catcheuse américaine de 136 kilos qui marche en talons-aiguilles sur des hommes-carpettes, une boulangère parisienne qui rêve de se faire avaler par un crapaud géant, une dominatrice professionnelle hollandaise qui a transformé son mari en poupée Barbie plastifiée (voir photo), une journaliste japonaise qui se déguise en extra-terrestre vert pomme… Rien ne les unit, ni l’éducation, ni la culture, ni le niveau socio-professionnel. Aucune n’a subi de traumatisme particulier dans l’enfance.Ces femmes n’ont parfois même pas eu conscience de s’éloigner d’un modèle dominant !Leur seul point commun, à mon sens, c’est que toutes ont grandi avec des fantasmes pas très courants auxquels elles ont laissé libre cours, en refusant de se censurer. Simplement, elles ont vu que certains scénarios érotiques leur procuraient un plaisir incroyable et elles ont décidé d’explorer ce domaine comme un monde enchanté. Dans mon livre, il y a des femmes qui trouvent qu’un ballon rouge, c’est sexy : elles le gonflent et quand le ballon explose, elles explosent aussi. D’autres disent qu’un énorme pot de yaourt, c’est aphrodisiaque. D’autres appuient spasmodiquement sur la pédale d’accélérateur de leur voiture… parce que c’est érotique. J’ai voulu montrer dans le «Sexe Bizarre» que le monde entier est rempli d’érotisme et que chaque objet - même un aspirateur ! - peut devenir un objet de désir ou de séduction. Pour certaines personnes en tout cas.

Ces dernières années ont vu l’émergence d’une sexualité féminine médiatisée notamment par Despentes ou Millet : quel en a été le déclic ?
Je ne vois dans l’oeuvre de Catherine Millet que l’émergence d’un puritanisme rétrograde : la sexualité qu’elle montre est triste, mortellement ennuyeuse… tue-l’amour ! C’est du gâchis. Ce n’est pas parce qu’elle a beaucoup fait l’amour, dans des clubs échangistes ou des soirées privées, qu’elle a fait preuve de subversion et de liberté. Besogneuse, elle baise au compteur, elle met ses désirs à l’usine des rendements. C’est d’une pauvreté affligeante. Aucune joie dans cette sexualité compulsive, ni exaltation, ni féerie, ni appétit, ni imagination, ni bonheur de vivre. Elle ne donne pas envie. Si c’est ça la sexualité féminine, il n’y a plus qu’à se suicider !Pour moi, les artistes soi-disant subversives qui mettent en scène le dégoût de la chair sont aussi dangereuses et nocives que les intégristes. Peut-être même plus, parce qu’elles avancent masquées.Maintenant, pour en revenir à la question, je pense savoir pourquoi on assiste depuis six ans à la multiplication d’auto-fictions érotiques écrites par des femmes : ça fait vendre. C’est comme la télé-réalité : il y a du vrai sexe, des vrais gens, du vrai voyeurisme… Que demander de plus ? De l’esprit ?

Chez les lesbiennes, on est passé d’une sexualité totalement invisible à une autre, suraffichée. L’émergence du mouvement Queer a décomplexé l’échangisme, le SM et même les lesbiennes baiseuses de pédés. Pensez-vous que le sexe soit un moyen d’affirmation de soi, voire de militantisme pour l’égalité ?
Le sexe est devenu un terrain d’action, comme la musique. Il y a d’abord eu les balancements de pelvis scandaleux du rock à la Presley. Puis les looks androgynes-décadents de Bowie affichant sa bisexualité. Puis les tenues SM-fetish des punks qui tenaient leurs copines en laisse, pour dénoncer en la parodiant l’institution du mariage. Puis l’explosion du mouvement guérilla-girl avec des groupes aux noms explicites : Bikini Kill (massacre en bikini), Bratmobile (les petites putes au volant), Free Kittens (les minous en liberté), Babes in Toyland (Alice au pays des vibros)… Rachel Orviro, porte-parole du mouvement Riot-girl, proclame : « Se sentir bien parce qu’on est le centre de son propre univers, envoyer paître les conventions, s’habiller pour s’affirmer, s’amuser sans culpabilité : voilà les choses qui font de nous des filles, des vraies». La révolution, c’est aussi simple que ça : sexe, fun et rock’n roll. Tous les moyens sont bons ! Le sexe, la mode, la musique ou l’écriture. Tout, pourvu que ça soit brûlant, intense et jouissif. La mode, par exemple: rien de plus important que s’habiller comme on veut. Il peut sembler excessif (ou dérisoire, au choix) de dire qu’on se bat pour l’égalité des minorités sexuelles en portant un pantalon en vinyle ou un treillis. Et pourtant, c’est vrai : essayez de tenir tête à tous ceux qui vous insultent dans le métro ! Le fait-même de porter une mini-jupe est un combat, y compris contre ceux qui vous veulent du bien : «Pourquoi afficher ta sexualité ? Pourquoi mettre un collier de chien et un maquillage trop noir? C’est ta vie privée, ne la balance au visage des autres. Ou alors, tire les conséquences de tes actes et ne te plains pas de te faire agresser». On a longtemps justifié les viols ainsi. Pour reprendre les propos d’un ami très cher - Francis Dedobbeleer, qui organise des soirées-fétiches à Paris depuis sept ans : «Pourquoi les gens respectent-ils les prêtres en soutane et pas les travestis en tailleur ? » V.Jaime
Le Sexe Bizarre, pratiques érotiques d’aujourd’hui, de Agnès Giard, éd Cherche Midi. http://www.lesexebizarre.com

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