Lesbiennes : la rebellion par le sexe !

Invisibles dans la société, incomprises de leurs proches, craintes des pédés, terrifiantes pour les mâles hétéros... les lesbiennes en ont soupé de cette perception injuste et erronée, induite par le manque de visibilité. L’identité lesbienne, contrairement à celle des gays, ne repose pas sur leur sexualité et c’est sans doute une des raisons de cette discrétion. Lasses qu’on confonde pudeur et abstinence, elles se réapproprient leur corps en s’affichant, libres et sexuées, donnant du coude pour revenir aux premiers rangs de la visibilité.
Ces cinq dernières années ont été marquées par l’expression de la sexualité lesbienne : à travers l’art pictural, par la représentation du sexe féminin, et à travers la littérature érotique, passée de confidentielle à prolifique. Cette éclosion, portée essentiellement par le mouvement Queer, a permis l’émergence de pratiques sexuelles cachées auparavant: sado-masochisme, fist ou échangisme ont largement dépassé le cadre sexuel pour devenir aujourd’hui un lien social autour duquel des groupes se créent.
Mais le combat pour l’égalité hommes-femmes doit-il passer par une visibilité sexuelle égale dans les deux camps ? Thierry d’Allondans, sociologue, et Agnès Giard, journaliste spécialisée dans les contre-cultures, apportent des éléments de réponse :


Dans quelle mesure le fait d’afficher sa sexualité permet-il d’affirmer son identité ?Pas simple ta question ! Pour l’anthropologue, les identités sont multiples : l’homme est un être social, politique, sexuel, religieux, etc. Il va se distinguer par chacune de ses appartenances, de ses affiliations. La sexualité est, donc, une de ses composantes et pas la moindre puisqu’elle participe de son mode d’être au monde : « dis-moi comment tu aimes et je te dirai d’où tu viens ! » et de sa singularité : « dis-moi qui tu aimes et je te dirai qui tu es ! » Les sociétés traditionnelles connaissent assez souvent « l’affichage » – que tu évoques – de leurs diverses identités. Les maoris, par exemple, ont un tatouage facial, le moko, qui renseigne sur presque tout : le rang dans la lignée, les prestiges, la situation matrimoniale, le métier... Les sociétés modernes, elles, ont participé, surtout en matière de sexualité, d’une hypocrisie certaine. Il faut relire l’historien T. Zeldin lorsqu’il évoque, pèle-mêle, les bons pères de famille catholique faisant déniaiser leur fils par une prostituée avant le mariage (progéniture qui a souvent connu l’homosexualité dans des internats confessionnels qui honorent la mère de leur enfant) tout en lui cachant de fréquentes maîtresses… le tout en continuant à être des chantres de la morale la plus rétrograde ! Aujourd’hui, le besoin d’être reconnu pour ce que l’on est, devient presque plus important que le culte des apparences qui prévalait jusque-là. Or, nous sommes aussi dans une société où, pour le pire et le meilleur, je suis ce que je montre. À ce propos, l’interdiction du voile à l’école est un exemple de dérive : toutes les filles qui le portent ne sont évidemment pas des musulmanes intégristes ! Donc je me méfie de l’ostentation qui ne dit, au mieux, qu’à moitié ! Et puis, afficher sa sexualité (soupir)…faudra m’expliquer comment on fait... et avec quels codes admissibles par le plus grand nombre. Par contre, je comprends la nécessité des jeunes gays d’être acceptés dans leurs cercles d’élection. Et ça, dans des sociétés du paradoxe, ce n’est pas encore gagné !

Un groupe peut-il utiliser ses pratiques sexuelles comme un acte politique ?
Certainement, et cela ne date pas d’aujourd’hui ! Les féministes ont montré la voie, l’effervescence de la jeunesse en mai 68 aussi, les mouvements homosexuels assurément… La modernité a changé notre rapport au corps ; celui-ci est devenu plus privatif : « notre corps nous appartient ». Il est même pour certains le lieu d’inscription des signes d’identité (tatouages, piercings,…), pour d’autres encore l’œuvre de soi (body art). Les pratiques sexuelles s’inscrivent dans cette évolution : elles se dévoilent comme des manières d’être en société. C’est à ce titre qu’elles peuvent être un acte politique, au sens d’un choix de société, pour un individu ou un groupe d’individus. Mais, comme tout acte politique ou toute parole, ces pratiques sont par essence acceptables ou contestables.

Pourquoi la sexualité lesbienne a t-elle toujours été entourée de silence ?Heu... là, tout dépend à partir de quand tu estimes que s’installe le silence : Sapho est antérieure à Socrate ! Je ne suis pas un spécialiste des lesbiennes, mais je pense que, pour les derniers siècles, l’homosexualité des hommes comme des femmes était, un peu partout, répréhensible. Mais, dans des sociétés patrilinéaires où le pouvoir est aux hommes, l’homosexualité masculine représente un danger bien plus grand car elle met en péril l’ordre établi. Du coup, on entend plus les mecs mais on les pourchasse plus aussi ! N’oublions pas qu’au début du XXème siècle, l’homme, en France, a droit de vie ou de mort sur sa femme et ses enfants qui sont entièrement dépendants de lui et, en coût réel et symbolique, ne valent pas grand chose. Peut-être aussi qu’au niveau des fantasmes, dans ce contexte machiste, les rapports phalliques sont plus insupportables que les rapports saphiques.

4- L’émergence des sexualités «hard» chez les lesbiennes est-elle le résultat de cette invisibilité ?Là aussi, je ne suis pas un spécialiste de la question mais j’ai une conviction : non, si une sexualité « hard » apparaît chez les lesbiennes, ce n’est pas un effet de soupape ou de réaction à un silence ou une invisibilité du fait lesbien. Je pense plutôt qu’à tous les niveaux de notre société, les femmes sont en train de réaliser qu’elles peuvent beaucoup, dans des domaines réservés jusque-là aux hommes. La dernière enquête de l’INSERM sur l’âge moyen de l’entrée dans la sexualité montre qu’ en France, ces dix dernières années, les filles ont rattrapé leur retard et rejoint les garçons ! Tu rencontreras donc cette évolution chez des hétérosexuelles aussi ! On est ici dans les mêmes registres que la violence montante de filles qui trouvent là le seul moyen d’affirmer une identité aussi « respectable » que celle de bien des garçons !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Excellent article qui remet en perspective la sexualité lesbienne. cela dit , ça peut aussi être contre-productif. y a qu'à voir comment la lesbienne est représentée dans le cinéma hétéro. soit une psychopathe, une dérangée, une tueuse. les rôles positifs sont rares. heureusement qu'il y a L Word

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