Que trouve-t-on dans le baise-en-ville d’un couple durable? Les denrées du cul y cohabitent avec une denrée aussi rare qu’édifiante : l’admiration. Noble piment, ce sentiment consacrerait le danger et serait garant de l’équilibre parfait. L’autre m’échappe, je m’accroche (accepte donc cette bague qui symbolisera l’organisation disciplinaire de nos atomes crochus)
Pour relancer la libido dans un couple, si les déploiements fardesques font mouche, de la femme qui réplique les icônes en rafraîchissant l’objet de désir qu’elle se rêve, c’est parce qu’ils sont une menace! Antédiluvienne, la recette a fait ses preuves, désirer ce qui est admiré, mais….de quel désir parle-t-on?
Que dire des nécrophiles, coprophiles, homologues pervers polymorphes? Que dire de l’admiration ressentie par le fétichiste pour un lobe d’oreille extraordinaire? On voit que le désir se nourrit d’autres mets que ceux classifiés par la doxa.
«Présentez-moi quelqu’un à qui il manque une main ou autre chose, et qui a surmonté et magnifié son handicap, et me voilà traînée par les pieds par un désir aussi puissant qu’incompréhensible». Ces propos d’une femme, par ailleurs posée et raisonnable, nous laisse entrevoir à quel point le désir peut être faille, en partage avec l’admiration, mais en famille parmi les blessures.
En regard de l’admiration (dis-moi qui tu aimes, je te dirai qui tu es), le désir colle à notre histoire, à nos valeurs. Nous nous prédestinons à désirer. A l’aube d’une relation, la sélective admiration déclenche le désir alors que, projetant, elle croit voir. On admire ce qu’on n’a pas et on désire l’avoir. Les leviers de l’orgueil et de l’envie agissent. Mais on sait que ça ne dure pas.
Et si la déception suit l’admiration, la dynamique subtile est rompue. Dans le jeu des projections, la lumière ne circule plus. Un château de cartes s’écroule.
Ce polichinelle dans les miroirs, sublimé dans le travail, refoulé par la morale, exploité par les institutions religieuses et du reste par tout un chacun, le désir, manipulé, captif, rend bien des services. Il fidélise. J’admire Jésus-Christ entre tous. Aurais-je du désir pour lui s’il était vivant? Nonnes en cœur : c’est lui que nous allons rejoindre au ciel! Le désir est parfois détourné. Châtré, diabolisé, nié ou sali, le désir transforme sa formidable énergie en pulsion de destruction, alors que, victimes d’une stratégie de pouvoir, les humains se sentent dépossédés de leur corps et d’eux-mêmes. Diviser pour régner ne s’applique pas qu’aux groupes.
L’admiration reste un élément de poids dans la balance. Elle est le crédit que nous donnons à l’autre, notre gratitude sonnante et trébuchante.
Sec contexte pour le sexe, l’admiration excelle comme cache-misère de l’ennui. Car c’est avec l’ennui que le désir doit ferrailler pour braver les dommages du temps. Et si ce désir est par trop simple, n’inclinant pas même vers la fascination, émoi qui fait de nous des aveugles, il est voué à l’extinction.
Il faudrait impérativement que demeure dans l’objet du désir une inconnue, à défaut que cet objet soit, telle une ville aux labyrinthes inextricables, assez vaste à l’exploration. Malheur à qui se devine d’un seul coup d’oeil. Les couples durables sont peut-être composés de deux individus qui ne peuvent pas se voir.
dubachvalerie@free.fr
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