Harcèlement, les homos aussi

Quand on évoque le harcèlement sexuel on pense souvent à une femme harcelée par son supérieur hiérarchique. En définissant le harcèlement sexuel comme «fait d’abuser de l’autorité que confère une fonction pour tenter d’obtenir une faveur sexuelle», le Larousse comme toutes les autres définitions minimise les situations où cela se produit. Un subordonné peut parfaitement harceler son supérieur, comme une personne peut tout à fait harceler une personne du même sexe.
Les associations contre le harcèlement sexuel que nous avons approchées recensent quelques rares cas de harcèlement entre personnes de même sexe. En France, un employé gay de Disneyland a été licencié pour des propos (graveleux) portant atteinte à la pudeur de son collègue. Une décision de justice a conforté sa direction dans son licenciement. En Angleterre, le cas du top model Sonya Walker, harcelée par sa supérieure hiérarchique, a abouti sur la condamnation de cette dernière à verser des indemnités (dérisoires) à la victime. Ces deux cas, parmi les plus médiatisés, ont permis de lever un coin de voile sur la question très opaque du harcèlement entre personnes de même sexe.
Il faut dire qu’il n’est guère facile de dénoncer une situation de harcèlement quand on est gay sans faire part de son homosexualité (voir article de la psychothérapeute).
Olivier, 27 ans, modéliste chez un fabricant de layette, harcelé sexuellement par son chef de service témoigne : «Je ne pouvais en parler à personne, je savais qu’on me dirait : «S’il te drague, c’est parce qu’il a repéré que tu en es…» Je suis homo, et alors ? Ce n’est pas pour autant que j’ai envie de le crier sur les toits et ce n’est pas pour autant que j’ai envie de me taper ce porc !» Porter plainte, Olivier y a bien songé mais a vite renoncé persuadé que personne n’accorderait un crédit à la plainte d’un homo qui se dirait harcelé sexuellement par un autre homme, surtout quand celui-ci est considéré comme hétéro.
Les homos ne sont pas en reste, harcelés souvent moralement, parfois sexuellement, il arrive aussi qu’ils soient les harceleurs, selon le docteur Lepastier, psychiatre et psychanalyste, réagissant au cas d’un homme harcelé par un autre : «Être courtisé par un homme, c’est être placé dans la position humiliante d’être aimé comme une femme». Sans en arriver à des conclusions aussi discutables, il est clair que pour une femme comme pour un homme, être remis en cause sur sa propre sexualité peut s’avérer dangereux. Les petites taquineries, anodines à la base, peuvent être dangereuses si elles sont insistantes ou dirigées vers de jeunes personnes qui découvrent leur sexualité ou qui sont simplement fragiles. Combien de fois assistons-nous à des scènes où un homo s’évertue à démontrer à un hétéro qu’il est en réalité gay par un flot d’arguments aussi ridicules que fumeux… Florilège :
«-Tu vas pas me dire que t’es hétéro avec les trucs moulants que tu portes !
- Mais qu’est ce que t’en sais que t’es pas homo, tu n’as jamais essayé !
- Non mais arrête, on est tous bi à la base…»
Le respect des différences que nous réclamons exige de nous d’être exemplaires dans son application.


Harcèlement, les leviers



Dans les cas de harcèlement les plus graves, le harceleur a rarement conscience de la nuisance qu’il cause. D’une part, il a l’impression d’être dans son droit (par sa position hiérarchique par exemple), d’autre part, il est aveugle quant au refus que le harcelé lui signifie; il considère même que cela fait partie « d’un jeu » mutuel, qui n’est en réalité qu’une fixation de sa part, une obsession.
Dans ma carrière de psychothérapeute (23 ans) et du fait de ma proximité avec la communauté homosexuelle dont, du reste, je fais partie, je n’ai eu que quelques rares cas de harcèlement (cinq au total). Or ce chiffre qui peut sembler insignifiant ne l’est pas ; pour cinq personnes qui ont fini par s’en ouvrir à leur docteur, combien se taisent ?
Cette persécution est difficile à nommer car elle fonctionne selon la mécanique invisible de la non formulation : celui qui désire les faveurs sexuelles (ou sentimentales) de l’autre ne verbalise pas directement sa demande ou cesse de le faire suite à un premier rejet. Le harcèlement emprunte des biais insidieux : insistance sur les attraits ou attributs de l’autre, messages codés faisant allusion au refus, regards lubriques visant à créer une gêne… Le harceleur se dote d’une batterie de moyens aussi diversifiés que blessants.
Dans le cas du harcèlement entre personnes de même sexe, si les ressorts sont les mêmes, le temps de latence peut être beaucoup plus long ; il faut du temps avant de réaliser que ce qui est subi relève du harcèlement.
1er cas : Les deux personnes sont homosexuelles
C’est un harcèlement similaire au harcèlement « classique ». Le processus en est le même : séduction - refus - orgueil blessé - représailles. Mais les victimes hésitent à dénoncer ces agissements car cela impliquerait une perte d’image pour la communauté ou la contrainte d’un coming out forcé quand celui-ci n’est pas à l’ordre du jour.
2ème cas : Le harceleur est homosexuel, le (la) harcelé(e) hétéro
Le harcèlement homosexuel use d’une démarche constante et automatique consistant à signifier à l’autre qu’il est homosexuel mais que son homosexualité serait inexprimée ou refoulée. L’argument « Comment sais-tu que tu n’es pas homo si tu n’as jamais essayé ?» s’y distille en séduction douce mais aussi bien en harcèlement brutal. Les faits et gestes de l’autre sont épiés, analysés selon un prisme prosélyte et renvoyés à l’autre comme un fait avéré.
Des différences notables existent cependant selon qu’on soit une femme harcelée par une autre ou un homme harcelé par un autre. Dans le premier cas, la femme harcelée se retrouve dans la situation d’être un objet (je te veux, donc j’ai le droit de me donner tous les moyens de te convaincre). La souffrance peut alors être accentuée par le fait que ce soit une femme, sa semblable, qui la traite en « chose ». La harceleuse, quant à elle, ne comprend pas que l’objet de son désir ne se réjouisse pas d’être courtisé avec acharnement alors que ça devrait flatter son égo. En résumé, la personnalité de la harceleuse, comme dans le harcèlement hiérarchique, est souvent bâtie sur une faille narcissique.
Quand un hétéro est harcelé par un homo, c’est d’autant plus violent qu’il remet en cause la virilité du harcelé. L’analyse constante de faits et gestes comme témoignant d’une homosexualité ébranle les fondements d’une personnalité construite sur la place de l’homme dans la société et le rôle qu’il doit y jouer.
Les petites insistances bien intentionnées peuvent être dans la majeure partie du temps gérées sans inimitié mais quand elles sont virulentes, ou quand elles concernent des personnalités

Témoignages


Delphine A.
Je venais de divorcer et me retrouvai alors dans un grand appartement à moi toute seule. J’ai passé une annonce sur Internet sur des sites gays car je cherchais un colocataire gay, histoire d’être peinarde… Mais c’est une fille qui s’est présentée. Elle m’a tout de suite parlé de son homosexualité, j’ai moi aussi « avoué » mon hétérosexualité. Discrète et attentionnée, elle a apporté dans ma vie une joie nouvelle.
Les premiers mois, ça s’est super bien passé, je profitais de mon célibat en sa charmante compagnie. Les choses ont commencé à se dégrader quand j’ai commencé à ramener des mecs à la maison. Elle me faisait la tête. Je dois reconnaître qu’au début, je trouvais ça mignon : elle était un peu comme un chat boudeur qui ne vient plus se frotter sur vos mollets parce que vous avez été absente trop longtemps à son goût. Peu à peu, elle est devenue agressive... Le plus dur restait à venir : ses sermons et ses interminables explications sur une homosexualité que je n’assumerais pas, selon elle. Le fait que j’aime courir, que j’ai un esprit de bande avec mes amis, le bouquin de Colette sur l’étagère… tout pour elle était une preuve. Elle n’hésitait pas non plus à se servir de ce que je lui avais confié de mon passé pour démontrer ma difficulté à assumer mon pseudo penchant pour les femmes. Au début, je discutais, argumentais et même me justifiais, mais ses attaques étaient de plus en plus assassines avec des phrases comme : « Tu ne te demandes pas pourquoi tu collectionnes les échecs avec les mecs ?» Quand on regardait ensemble un film lesbien, elle délaissait l’écran pour se concentrer sur mon visage où elle traquait la moindre émotion. Pour elle, j’étais émue... donc je m’identifiais... donc j’étais lesbienne !
Dix-huit mois plus tard, j’ai fini par me barrer de chez moi !! Vous vous rendez compte ! C’est moi qui ai dû partir pour sauver ma peau. Mon psy m’a permis de retourner chez moi, de la confronter avec ce qu‘il convient d’appeler un harcèlement et de la mettre dehors. J’espère qu’avec le recul, elle prendra conscience et s’excusera. Ce serait bien, car moi je l’aimais bien, cette fille.

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