Le désir selon Duras

Le désir selon Duras
« La femme, c’est le désir (…) On écrit pas du tout au même endroit que les hommes. Et quand les femmes n’écrivent pas dans le lieu du désir, elles n’écrivent pas, elles sont dans le plagiat », «Les Lieux de Marguerite Duras» , Editions de Minuit, 1977, p.102.
Rares sont les écrivains qui, à l’instar de Marguerite Duras, ont fait la part aussi belle au désir dans leurs livres. Ce que Duras met en lumière dans sa grande œuvre, c’est l’évidence du lien entre le désir et la création littéraire au féminin.
Duras, ce sont des pages éblouissantes et lumineuses, où des célébrations de la chair s’offrent à l’œil du lecteur habilement placé dans la position de voyeur, voire d’acteur. Nous voilà donc apostrophés dans ce que nous avons de plus secret et de plus mystérieux : le désir s’incarne sur la scène de notre théâtre intime. Chez Duras, c’est le lecteur et non le narrateur qui se met en scène : son écriture suggestive et « filmique », les images qui surgissent immanquablement de ses mots trouveront dans chaque imaginaire de lecteur une résonance particulière, une incarnation propre :
« De la bouche entrouverte une respiration sort, revient, se retire, revient encore. La machine de chair est prodigieusement exacte. Penché sur elle, immobile, vous la regardez. Vous savez que vous pourriez disposer d’elle de la façon dont vous voulez, la plus dangereuse. Vous ne le faites pas. Au contraire, vous caressez le corps avec autant de douceur que s’il encourait le danger du bonheur. Votre main est sur le dessus du sexe, entre les lèvres qui se fendent, c’est là qu’elle caresse. Vous regardez la fente des lèvres et ce qui l’entoure, le corps entier. (…)
Vous voyez d’abord les légers frémissements s’inscrire sur la peau, comme ceux justement de la souffrance. Et puis ensuite les paupières trembler tout comme si les yeux voulaient voir. Et puis ensuite la bouche s’ouvrir comme si la bouche voulait dire. Et puis ensuite vous percevez que sous vos caresses les lèvres du sexe se gonflent et que de leur velours sort une eau gluante et chaude comme serait le sang. Alors vous faites vos caresses plus rapides. Vous percevez que les cuisses s’écartent pour laisser votre main plus à l’aise, pour que vous le fassiez mieux encore. » La Maladie de la mort, Minuit, 1982, p.38/39/40.
Pourtant, il est tout un pan de l’œuvre où le désir selon Duras se tient dans l’inachèvement, l’absence d’aboutissement. L’érotisme réside dans l’attente, dans l’anticipation par l’imagination, dans le fantasme davantage que dans la réalisation concrète du désir.
Les amants du «Navire–Night», qui s’aiment par téléphones interposés ne connaissent l’un de l’autre que leurs voix et ne se rencontreront pas physiquement : « Dans «Le Navire–Night», c’est la voix qui fait les choses, le désir et le sentiment. La voix, c’est plus que la présence du corps. C’est autant que le visage, que le regard, le sourire. », «La Vie matérielle», Editions P.O.L.,1987, p.97.
Le désir libéré du corps et des sens – à l’exception de l’ouïe – se fait ici léger, éthéré, aérien, son non–aboutissement charnel est le gage de sa survie. Ces amants–là ne peuvent vivre leur désir qu’au sein de leur imaginaire et n’étreignent par conséquent que du rêve.
L’homme des «Yeux Bleus Cheveux Noirs», se refuse à prendre le corps de la femme qu’il paye pour passer les nuits avec lui dans sa chambre : « Il dit : Nous aurons un souvenir de la soie noire aussi, de la peur de la nuit. Il dit : Du désir aussi. Elle dit : C’est vrai, de notre désir l’un de l’autre dont nous ne faisons rien. », «Yeux Bleus Cheveux Noirs», Editions de Minuit,1986, p.76 .
Le désir est espace subjectif, le lieu de tous les possibles et de toutes les chimères, de toutes les illusions, de tous les rêves, de toutes les fictions.
« Je voulais vous dire ce que je crois, c’est qu’il fallait toujours garder par–devers soi, voici, je retrouve le mot, un endroit, une sorte d’endroit personnel pour y être seul et pour aimer. Pour aimer on ne sait pas quoi, ni qui ni comment, ni combien de temps. Pour aimer, voici que tous les mots me reviennent tout à coup…pour garder en soi la place d’une attente, on ne sait jamais, de l’attente d’un amour, d’un amour sans encore personne peut–être, mais de cela et seulement de cela, de l’amour. » ibid, p.135.
Le désir est antérieur à l’amour, il naît et croît dans la solitude et l’absence, il crée l’espace où pourront se tenir l’amour à venir et l’œuvre à accomplir.
Chez Duras, le désir ne se vit pas à travers les catégories sexuées des personnages mais au travers de leur condition d’êtres humains : « Le livre, c’est l’histoire de deux personnes qui aiment », «La Vie matérielle», p.97. Tout être peut se reconnaître dans ses livres puisque le désir y est montré sous toutes ses formes, rapports et orientations, et c’est peut-être en cela que réside l’universalité de Duras, écrivain par trop souvent taxée d’incompréhensibilité et d’incohérence. Julie C

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