Interview Amélie Nothomb

Virevoltant avec la grâce d’un pétale de chrysanthème porté par le vent, Amélie Nothomb est un O.L.N.I (Objet Littéraire Non Identifiable). Des tirages vertigineux, des traductions dans le monde entier, des conférences qui frôlent l’émeute…
La divine « graphomane » est devenue en une décennie l’objet d’un culte « so goth’ », unique dans le paysage littéraire français. D’elle, on a tout dit : folle, excentrique, mystérieuse, émouvante, menteuse, cynique…
Afin de pénétrer quelque peu ce qu’il convient d’appeler le « mythe », Nous sommes allés à la rencontre de la dame aux noirs camélias, à l’occasion de la sortie de son roman, « Biographie de la faim », paru aux éditions Albin Michel :

Amélie, plusieurs de vos précédentes œuvres étaient autobiographiques mais se concentraient sur des passages précis de votre vie. « Biographie de la faim » est une autobiographie plus vaste mais vue sous un angle spécifique, celui de la faim : la faim alimentaire, la faim de l’autre…
Vous savez, s’il faut me résumer à un seul mot, le mot « faim » est celui qui convient. C’est la grosse couture qui réunit mes morceaux. Mais ce n’est pas une vraie autobiographie, c’est une biographie thématique.

Vous évoquez notamment l’anorexie, un sujet plutôt douloureux, avec beaucoup d’autodérision… Comment vous en êtes vous sortie ?
C’est une longue histoire d’en sortir… Ce qui m’a sauvée, c’est que mon propre corps a pris le pouvoir. Il faut toujours écouter son corps, il a souvent plus de sagesse que la tête. Et puis l’écriture… m’a rendu un appétit possible. J’ai du mal à comprendre cela parce que je ne vois pas le rapport entre l’écriture et l’appétit. Mais apparemment, il y en a un.

Il y a beaucoup de métaphores alimentaires dans le livre…
Oui. Mais c’est un phénomène de compensation. Quand j’étais anorexique, j’ai lu le dictionnaire en entier… Comme je ne pouvais plus manger d’aliments, je me suis mise à manger des mots.

D’origine belge et née au Japon, on vous sent très déracinée dans le livre…Vous parlez d’un pays imaginaire, l’Etat de Jamais…
Je suis une exilée. Tous les trois ans je perdais tout, sachant que je ne retrouverai jamais rien… Il fallait bien mettre un nom là-dessus: l’Etat de Jamais. D’ailleurs, à la fin du livre, quand je retrouve ma gouvernante japonaise, on sent bien dans cette scène que ces retrouvailles, si émouvantes soient-elles, sont un échec.

Vous évoquez dans vos différentes faims, celle de la beauté de votre mère, de votre gouvernante new-yorkaise… Est-ce que cela a accru votre rejet de vous-même ?
Je ne pense pas qu’il y ait un lien. C’est vrai que je me suis beaucoup nourrie de beauté. Pas seulement de la beauté humaine, mais aussi la beauté du Japon, de la Chine, de New York… Et cela, c’est plutôt de la beauté positive. Ça porte très haut l’idéal et on se dit qu’il faut se mesurer soi-même avec cet idéal. C’est mission impossible ! Mais cela n’a pas été trop… torturant.

Vous avez un rapport très fort à la musique, vous dites que vous ne voyez plus la vie qu’à travers le dernier album de « Muse » ?
Oui. On a tous vécu quelque chose comme ça. Vous découvrez une musique qui vous transporte et soudain tout se révèle vis à vis de cet album et on ne voit pas pourquoi on écouterait autre chose. On devient presque…infréquentable ! ! ! (rires)

Il vous arrive d’écrire en musique ?
Ah non! C’est interdit ! ! ! C’est très dangereux. Quand j’écris, je me mets à la diète musicale. Lorsque j’écris, forcément, j’essaie de faire ma musique à moi. Il faut que je sente la mélodie de la sensation que je cherche à éprouver. Si je me laisse parasiter par une musique extérieure, ça donne quelque chose d’épouvantable !

Deux de vos livres ont été adaptés au cinéma
Avec des bonheurs divers…(rires)
…avez vous eu la tentation de passer un jour derrière la caméra ?
Jamais de la vie ! Non, je ne suis pas quelqu’un de polyvalent. Vous savez, moi, à part écrire mes p’tits bouquins... je ne suis pas capable de faire autre chose, ça règle donc la question. Je ne vois pas pourquoi je m’en soucierais quand tant d’autres s’en soucient. Si vous saviez le nombre de propositions d’adaptation que je reçois pour chacun de mes livres…

Pensez-vous avoir gardé la naïveté et la puissance de votre enfance ?
Je crois que, grâce à l’écriture et à la littérature en général, j’ai gardé un accès direct à certaines jouissances, donc, oui, je pense que j’ai conservé cela.

Votre mère, à qui vous répétiez « Maman, aime moi ! Aime moi ! », vous disait que l’amour se mérite. Vous considérez-vous comme méritante aujourd’hui ?
(Grand éclat de rire) Elle avait tout à fait raison. Il faut savoir que je n’étais pas une enfant qui manquait d’amour. Seulement, goinfre absolue, j’en voulais encore plus ! C’était juste. Aucun amour n’est dû. Maintenant, si je le mérite ? Imaginez un instant que je vous réponde OUI… Ce serait obscène ! (rires)
Interview publiée avec l'aimable autorisation d'Oxydo magazine.

Propos recueillis par Thierry Desaules/ Photos Natacha Wandoch

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