Dans la peau de Villovitch

Touche-à-tout de génie, Héléna Villovitch a assimilé la créativité comme un concept de vie à part entière. Elle multiplie les projets et les formes artistiques : peinture, dessin, réalisation de courts et longs métrages expérimentaux et performances radio. Elle écrit aussi des recueils : des nouvelles conçues commedes fragments artistiques racontés à la première personne. Un travail autobiographique sans complexe ni complaisance, à la manière des expos-concepts de Sophie Calle.
«Dans la vraie vie» est son quatrième recueil. Découpé en une galerie de portraits et de tranches de vie à la Raymond Carver, il nous raconte les paradoxes et les frustrations d’une génération rattrapée par l’univers déshumanisant de l’entreprise, un pied dans l’ennui, l’autre dans la précarité.
Dans ton dernier recueil, plusieurs de tes nouvelles mettent en scène des gays ou des lesbiennes. C’est pour surfer sur la vague de « visibilité » actuelle ou pour être invitée sur Pink TV ?
C’est vrai que ce que j’écris est dans l’air du temps, et c’est logique puisque le livre est assez sociologique. Je me suis intéressée aux gens non seulement autour de moi mais aussi les gens dont parlent les journaux et la télé. Il se trouve que, quand j’ai écrit ce livre, on était en plein questionnement sur le mariage homosexuel et l’adoption. J’y pensais donc beaucoup. C’est une des raisons pour lesquelles mes personnages sont homosexuels.
D’autre part, dans la première nouvelle par exemple, j’écris avec un « je » qui est en fait un homme. Simplement, imaginer un homme hétérosexuel, c’était un peu au dessus de mes forces, voire au-delà de mon imagination. Alors qu’un homme homosexuel me semblait plus proche de ma sensibilité.
Dans une autre nouvelle, je raconte le voyage d’un couple de filles aux Etats-Unis. C’est un voyage que j’ai fait il y a quelques temps. J’avais fait plusieurs tentatives de nouvelles pour restituer les sensations que j’ai éprouvées là-bas. Finalement, la seule fois où j’ai réussi à écrire quelque chose qui me convenait, c’était en inventant ce couple de filles. En même temps, ça reste très autobiographique puisque ce couple représente un peu les deux tendances qui s’expriment en moi : une fille qui râle tout le temps, l’autre qui est plus décidée.

Dans ce livre, tu quittes le ton très autobiographique des ouvrages précédents, pour incarner une galerie de personnages très hétéroclite. Est-ce un passage à l’âge adulte, quand le regard se reporte de soi sur les autres ?
Oui peut-être bien, en même temps, entre l’enfance et l’âge adulte, il y a l’adolescence qui, dans mon cas dure une éternité et qui n’en finit plus de ne pas finir. J’ai l’impression de faire partie d’une génération où l’on ne devient jamais adulte.
C’est aussi un livre assez dur, avec parfois des accents de désespoir derrière l’humour noir.

Cette rupture avec les précédents livres, plus légers et ludiques, marque t-elle une volonté d’aller plus vers la littérature ?
Exactement. Je ne sais pas si c’est une décision ou une prise de conscience mais je suis allée plus profondément dans l’écriture. Jusqu’à maintenant, je considérais l’écriture comme un outil artistique au même titre que le dessin, la photo ou les films... mais là, je me suis sentie aller plus profondément vers l’écriture et donc m’engager littérairement.

Pourquoi avoir choisi ce thème du travail en entreprise, et pourquoi ce regard négatif ?
Le travail est un thème qui m’intéresse beaucoup, je lis généralement tous les articles ou rubriques à ce sujet dans la presse. J’ai vu par exemple le film de Pierre Carles « Attention, danger travail » qui montre qu’on a le choix quand même du milieu de travail et du fait même de travailler. J’ai voulu, moi aussi, montrer qu’on avait le choix ou au moins, inciter les gens à réfléchir et peut-être prendre une distance avec cette vie-là.
«Dans la vraie vie» est ton quatrième livre et la promo semble démarrer beaucoup plus fort que pour les précédents. Ça vient de toi ou de l’éditeur ?
Que ce soit moi ou l’éditeur, on a procédé comme pour chacun de mes livres, avec les même envois-presse. Il se trouve qu’on a plus parlé de celui-là. Alors je ne sais pas, peut-être que c’est parce que c’est plus dans l’air du temps justement, peut-être que c’est plus facile à lire aussi que des livres construits sur une logique plus artistique et moins littéraire. Peut-être que je deviens un auteur « grand public » et moins « avant-garde » aussi. C’est difficile à dire.
Etre cataloguée « écrivain à la mode » pourrait achever l’artiste underground Villovitch … ou te contraindre à la schizophrénie…
Au contraire, je pense que le succès de l’écrivain, surtout si ça suit financièrement, peut me permettre de développer le reste. En fait, pas mal d’artistes fonctionnent comme ça: je pense à Valérie Mrejen dont les livres marchent bien, ce qui ne l’empêche pas de faire par ailleurs des documentaires très bien mais moins visibles. Pareil pour Marguerite Duras et ses films.
Je n’y vois pas de schizophrénie parce que ça a toujours été comme ça dans ma vie. J’ai toujours eu un métier parallèlement à mes activités artistiques parce que ça me permettait de vivre et de continuer.
N’exagérons rien ! Pour le moment, le succès n’est pas encore là, et si succès il y a, mes livres sortiraient en poche et seraient plus accessibles pour un public ado ou fauché.

À quand une rétrospective de tes films et performances ?
J’aimerais beaucoup ! (rire) Même si ce serait pas mal de boulot parce que certains de mes films mériteraient de passer du super 8 au 16 millimètres, ou bien de repenser la bande son ou encore de revoir le mixage... d’ailleurs, c’est ce genre de choses que je ferais en priorité si j’arrivais à gagner plus ma vie en écrivant. Orely C
Dans la vraie vie, Editions de l’Olivier, Paris, 2005 -16 €.
sorti en mai 2005 : «Le bonheur par le shopping», Maren Sell Editeurs.

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