Ann Scott


Ann Scott prend- t-elle plaisir à dérouter son lectorat ? Avec ‘Superstars’, on découvrait une auteure capable d’emprisonner l’amour et ses douleurs dans un filet doré, beau comme une larme sur une joue diaphane. Mais Ann n’aime pas être attendue, prévue. Les trois livres qui suivent, dont ‘Le Pire des Mondes’, nous ballottent dans un univers où la température est largement inférieure à celle qui régnait dans son premier roman . Avec ‘Héroïne’, elle souffle sur les braises de ‘Superstars’ et ranime le feu de son écriture, rouge.


Que représente pour vous l’écriture : un don, une thérapie ou un exercice de style ?
Je ne sais pas... J’ai commencé en «faisant semblant», pour plaire à quelqu’un qui écrivait. Puis assez vite, j’y ai pris goût et depuis, je ne me pose plus la question. Je pense que c’est la seule chose que je sais faire et que j’aime faire. Je me lève le matin, j’ai toujours quelque chose à écrire, à chercher au fond de moi et à transcrire. C’est un besoin, c’est tout. Chaque chose que je vis, que je vois, que j’entends, nourrit la bête qui se réveille en dedans... Ce n’est pas un don de moi-même, ce serait terriblement présomptueux de prétendre avoir quelque chose à donner. Ce n’est pas non plus une auto-thérapie même si, sur cinq livres, deux ont été écrits pour évacuer ce qu’il valait mieux sortir. Quant à l’exercice de style... je ne sais pas... tout dépend de ce que vous entendez par là. Ecrire est effectivement un gros travail et le style, appelons ça plutôt la forme, prime toujours sur le contenu. La façon de raconter une histoire, de la construire, de la faire progresser et de la mener à son terme est plus importante pour moi que l’histoire en elle-même. Si on part du principe que tout a déjà été plus ou moins raconté, c’est la façon de traiter un sujet qui compte le plus.


Votre écriture dans ‘Héroïne’ est d’une intensité rare. Est-ce un sursaut d’orgueil, suite à l’accueil très mitigé réservé au roman précédent, ou le reflet de vos émotions du moment ?
Non, ni l’écriture ni le choix du sujet ne sont une réponse à cet accueil effectivement partagé. Ce n’était pas un choix de revenir vers un certain type de sujet, qui visiblement m’a plus réussi commercialement parlant. Il se trouve simplement que l’histoire racontée dans ‘Héroïne’ m’est arrivée, exactement comme celle de ‘Superstars’. Et dans la mesure où le personnage central était le même, ça semblait logique d’écrire dessus. Non pas parce que ça devenait une «suite», mais tout simplement parce que j’ai eu besoin, à nouveau, d’évacuer cette histoire-là qui, même si elle était très différente, restait très semblable. C’est peut-être là que le côté thérapeutique peut être évoqué, même si ça me semble un peu trop facile. Disons que, comme dans ‘Superstars’, ça a commencé par une lettre que je n’arrivais pas à envoyer : chaque jour je trouvais d’autres façons de formuler les choses et je recommençais sans cesse. Petit à petit, ça s’est transformé en journal, parce que cette foutue lettre s’allongeait. Puis assez vite, devant l’ampleur de chose, l’idée s’est imposée d’en faire un livre (plutôt que de me concentrer sur un sujet que j’avais en cours mais qui m’habitait beaucoup moins à ce moment-là, forcément). Donc au lieu de travailler mal à autre chose, j’ai préféré travailler du mieux que je pouvais à ça. Exactement comme pour ‘Superstars’, quoi ! Quant à l’intensité de l’écriture, je ne sais pas. Ça c’est juste imposé comme ça. C’était cette forme-là qui servait le mieux l’histoire, et le style doit toujours s’adapter au sujet. Toujours.

Y a t-il un livre que vous auriez aimé écrire ?
A la fois beaucoup, et sans doute aucun, parce que j’aime que ces livres aient été écrits par leurs auteurs. Je n’aurais pas fait mieux, et s’ils n’avaient pas été écrits je n’aurais, surtout, pas eu le bonheur de les lire ! Par exemple je viens de découvrir ‘Avec Mon Meilleur Souvenir’ de Françoise Sagan: le procédé est un peu semblable à ‘Poussières d’Anges’, et évidemment c’est mille fois meilleur. Ce qui au premier abord m’a fait me dire : « Merde, j’aurais aimé avoir écrit des portraits aussi justes.» Mais ça aurait voulu dire passer à côté des siens. Je crois qu’un des plus beaux livres que j’ai jamais lu est ‘Lettres d’Amour en Somalie’ de Frédéric Mitterrand, et pour rien au monde je n’aurais aimé l’avoir écrit. Sa sensibilité sur le sujet est bien plus bouleversante que la mienne. Je peux «envier» certains talents, comme celui de Karen Blixen dans ‘La Ferme Africaine’, ou Hemingway dans ‘Le Soleil se lève aussi’, ou encore Balzac dans ‘Le Père Goriot’, mais encore une fois, ce que ces auteurs ont en eux m’est trop précieux pour, ne serait-ce qu’un instant, regretter que leurs livres existent.

Votre ouvrage raconte l’histoire de deux personnalités qui se télescopent violemment. Avez-vous appris à vous protéger maintenant ?

Je serais tentée de dire oui, mais ça n’aurait pas beaucoup de sens. Ce n’est jamais aussi simple ! Disons que je suis guérie de cette histoire-là en particulier, ce n’est pas trop tôt d’ailleurs au bout de cinq ans ! Mais à côté de ça, il n’est pas question de se protéger. Il faut juste être capable de discernement, ce qui m’a cruellement manqué dans cette histoire ! En fait, ce qui est important, c’est de se respecter. Il ne faut, je crois, jamais sortir de soi-même, jamais se perdre à ce point. Quel que soit le chagrin, le manque, la frustration, tout ce qu’on voudra, il faut continuer à s’appartenir. Ne pas quitter la route. La vie est beaucoup trop courte pour s’arrêter et se regarder le nombril. Tout le monde souffre mais tout le monde va au bureau le matin, tout le monde avance. Parce qu’on n’a pas le choix. Une histoire comme ‘Héroïne’ est un luxe assez indécent, en fait !
Vos mots laissent transparaître une auteure vulnérable, aux prises avec elle-même. De quoi avez-vous peur ?
Aux prises avec moi-même ? Bah, on a tous des démons et/ou des cadavres dans le placard ! A priori je n’ai plus peur de rien. J’ai tellement peur de tout, que je n’ai plus peur de rien ! Maintenant je vais systématiquement au-devant de mes peurs. Pour qu’elles soient derrière et plus jamais devant. Il arrive un moment où il faut se jeter à l’eau, sinon à quoi bon être en vie. L’évitement est la pire chose qui soit. Vos romans avec des histoires féminines ont un style narratif plus intense que les autres. Aimez-vous plus intensément les femmes ?Ces deux livres, ‘Superstars’ et ‘Héroïne’, parlent d’amour et/ou de passion, donc ils sont intenses. Mais ce n’est pas lié au fait que ça raconte des histoires de filles, c’est simplement lié au fait que je suis amoureuse, c’est tout ! Il est vrai que je n’écris que sur ce qui se passe mal... et mes histoires avec les filles se passent toujours beaucoup plus mal que mes histoires avec les garçons ! J’imagine que je n’écris pas sur ce qui me rend heureuse parce que je le vis, tout simplement. Alors que le reste, forcément, je le triture dans tous les sens pour essayer de comprendre pourquoi ça arrive ou est arrivé. L’amertume, le coeur brisé, sont des états qui donnent envie d’aller creuser, de trouver des réponses. Alors qu’être bien ne donne pas matière à travailler, ça donne juste envie de respirer à pleins poumons !
Interview réalisée par VJ

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